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Tribune libre/ L’invasion de l’Ukraine par la Fédération de Russie: quel regard du point de vue du droit international?

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Tribune libre/L’invasion de l’Ukraine par la Fédération de Russie: quel regard du point de vue du droit international?

Par Roufai TCHADIKENI, Spécialiste de sécurité internationale et défense.

Dans la nuit du 23 au 24 février, l’armée russe a lancé une offensive de grande ampleur sur le territoire ukrainien. Les forces russes ont pénétré le territoire ukrainien par la frontière d’avec la Biélorussie, par la région séparatiste du Donbass mais aussi par la Crimée, un autre territoire conquis en 2014. Des blindés, de l’artillerie lourde, mais aussi la force de frappe aérienne de l’armée rouge s’est déployée massivement sur le territoire du voisin ukrainien.  Des avions de combat et des hélicoptères sont entrés en action et ont visé en priorité le système de défense anti-aérien de l’Ukraine.

La condamnation de la quasi-totalité de la communauté internationale ne s’est pas fait attendre. Jour après jour, les condamnations se multiplient et les mesures prises contre le régime de Poutine se succèdent. Seulement aucun pays, qui plus est, les grandes puissances, ne prend le risque d’intervenir militairement aux côtés de l’Ukraine pour l’aider à combattre l’ennemi russe.  Quelques alliés tels que la Chine, la Biélorussie, mais aussi certains États comme le Venezuela, le Cuba ont tout de même soutenu la Russie.  Il conviendra d’expliquer au regard du droit international cette situation inédite qui risque de créer un précèdent dangereux dans l’ordre international quand on sait que plusieurs autres États ont des velléités d’incorporer en leur sein, certains territoires. C’est le cas par exemple de la Chine qui se pourlèche les bambines et attend de pied ferme l’issue de cette situation.

Quels principes du droit international sont susceptibles d’être impactés ?

L’invasion de l’Ukraine par la Russie met au défi toutes les règles et principes du droit international. Le sacro-saint principe de l’interdiction de l’emploi de la force prévu par l’article 2 paragraphe 4 de la Charte des Nations Unies a été renversé par Moscou. Rappelons que ce principe a dans le passé été mis à rude épreuve et rappelé par la Cour Internationale de Justice dans les arrêts : CIJ 9 avril 1949 affaire du Détroit de Corfou RU contre Albanie; CIJ 27 juin 1986 affaire des activités militaires et paramilitaires américaines au Nicaragua et contre celui-ci. Par ailleurs, du point de vue des accords signés dans le cadre du règlement de ce conflit russo-ukrainien, le protocole de Minsk qui avait pour but de trouver une issue favorable à l’agression russe dans le Donbass, vient donc de voler en éclat. Depuis le déclenchement de cette guerre, les organisations internationales, de l’ONU à l’OTAN, sont montés au créneau dans le but d’aboutir à un cessez-le-feu, mais quelles sont véritablement les prérogatives du Conseil de Sécurité en la matière ?

La marge de manœuvre du Conseil de Sécurité des Nations Unies

La Charte des Nations Unies à travers son article 24 alinéas 1 investit le Conseil de Sécurité de la mission de veiller au maintien de la paix et de la sécurité internationales. Les Membres des Nations Unies entendent confier à cet organe suprême les prérogatives maximales en matière de maintien de la paix et de la sécurité internationales. Afin de lui réserver l’exclusivité de cette mission, l’article 12 de la Charte, fait interdiction à l’Assemblée Générale de se saisir d’une question sur laquelle le Conseil de Sécurité statue déjà. Toutefois dans le cadre de la résolution dite ‘‘Acheson’’ adoptée le 03 novembre 1950, relative à la guerre de Corée, on a pu bien voir que l’Assemblée Générale a palié de façon exceptionnelle la carence du Conseil de Sécurité consécutive au veto de l’Union Soviétique.

Le Conseil de Sécurité à travers l’article 39 de la Charte identifie et qualifie une situation de menace de la paix, de rupture de la paix et d’acte d’agression, les trois notions n’ayant pas la même gravité tant le concept même de la paix est difficile à définir. Ce peut être l’absence de guerre ou encore selon certains, la prospérité économique comme la notion de paix structurelle de Pierre Marie Dupuy. Le Conseil de Sécurité dispose du pouvoir discrétionnaire de qualifier telle situation ou telle autre de menace contre la paix alors même que c’est un acte d’agression et c’est d’ailleurs la raison pour laquelle, selon le professeur Jean COMBACAU une situation est une <<menace à la paix, rupture de la paix et acte d’agression ce que le Conseil de Sécurité décide comme telle>>. C’est en fonction de la qualification que retient le Conseil de Sécurité qui pousse ce dernier à agir, afin de faire cesser une situation qui constitue une menace contre la paix et la sécurité internationales.

Dans le cas du conflit russo-ukrainien il appartiendra en principe au Conseil de Sécurité de qualifier la situation et de prendre les mesures adéquates. Il peut décider en vertu de l’article 40, des recommandations et indiquer les mesures provisoires à prendre afin de faire cesser la situation en cause. Il peut également ordonner, conformément à l’article 41, des mesures n’impliquant pas l’usage de la force mais à respecter tout de même par les belligérants. Mais il peut surtout décider des mesures correctives impliquant l’usage de la force armée lorsque l’article 41 se révèle inefficace soit parce que la situation l’exige, ou encore lorsque l’État en cause ne veut manifestement pas respecter la résolution. Les exemples de ce processus décisionnel graduel du Conseil de Sécurité sont légion comme le cas libyen en 2011 avec la résolution 1972, quoique critiquée parfois à raison.

S’il faut raisonner en terme légal, le Conseil de Sécurité pourra donc se saisir du conflit russo-ukrainien et demander en vertu de l’article 40 le cessez-le-feu puis recommander aux belligérants de privilégier le dialogue. La difficulté reste le droit de veto que peut brandir à chaque moment les russes afin d’éviter l’adoption des mesures qui ne leur seront pas forcément favorables. En effet par le mécanisme du veto qui se révèle être un goulot d’étranglement et prévu à l’article 27 alinéa 3 de la Charte, la Russie va pouvoir directement bloquer l’adoption de la résolution qui lui sera défavorable. Le Conseil de Sécurité se trouvera alors paralysé en raison des intérêts des membres permanents, alors même que le veto est dans l’esprit des fondateurs, comme le reconnaît Hubert Védrine, un moyen pour préserver leurs intérêts vitaux. Seulement la pratique laisse observer que ce veto est utilisé à vau-l’eau par les détenteurs, c’est à dire à leur guise et sans pertinence aucune. Ce qui a comme conséquence le blocage du processus décisionnel du Conseil de Sécurité, comme ce fût le cas dans plusieurs situations dont notamment la guerre en Syrie.

C’est dire que l’arme à privilégier reste le dialogue aux fins d’amener les russes à revenir à la table de négociation et ainsi envisager le retrait de leurs forces. Il va aussi falloir rassurer Poutine sur le fait que, quoique contraire au droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, l’Ukraine ne sera jamais membre de l’OTAN.

Par ailleurs, il urge que l’Ukraine arrêta ses diverses actions militaires dans la région séparatiste du Donbass aujourd’hui reconnue par la Russie.

Une chose est sûre, la Russie contre tous a choisi la force plutôt que la négociation. L’avenir nous édifiera si c’est la meilleure piste pour venir à bout du frère ennemi ukrainien!

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